Qu'il soit vénéré ou considéré avec mépris, le terme Otaku fait parler de lui depuis longtemps au Japon, et plus récemment en Occident. Mais que désigne le mot Otaku et d'où vient-il?
Aux origines
À la base, Otaku est une formule de politesse servant à désigner son interlocuteur qui signifie "chez vous" sous-entendu "dans votre foyer". C'est donc une formule visant à vouvoyer. Elle a été rattachée aux Otakus car souvent utilisée sous la forme "J'aime bien ça, truc, et vous?" (donc "nianiania, otaku wa?") lorsque deux passionnés d'un même sujet discutent entre eux sans se connaître avant ça. "Otaku" remplace ici le prénom, souvent inconnu, de son interlocuteur. (ça en a fait de chemin) (ça va, vous tenez? Pas trop dur?
)
Quand à son utilisation contemporaine, elle vient probablement de
Akio Nakamori, qui a publié une série de papiers sur le sujet dans
Manga Burikko. Cette série d'articles avait pour but de décrire le comportement des Otakus, leurs activités comme le
Comic Market ou leur façon de s'habiller. Les descriptions faites dans les textes n'étaient pas très sympathiques, à la limite de la moquerie, ce qui n'a pas manqué de froissé une partie des concernés. Le terme Otaku était né, mais il n'avait pas de signification précise.
Un sens flou
Dans les années 80, on considère les Otakus comme des personnes s'intéressant à des sujets qui ne sont plus de leur âge. Au premier rang, les mangas, les animes ou les jeux vidéos, cependant les trains et les collections d'insectes sont aussi du nombre. Ces centres d'intérêt vont être appelés "Sous-culture", en opposition à des sujets culturels plus nobles comme la musique, les arts ou les lettres. "Otaku" s'applique alors strictement à des hommes, célibataires et japonais, qui sont considérés comme en dehors du circuit social traditionnel car ne sachant pas gérer leurs rapports avec les femmes (eh oui, pas très élogieux tout ça). Émerge aussi le mot "
Mania" qui va opérer une scission au sein du groupe Otaku. On désigne d'abord par ce terme les passionnés un peu moins investis dans leur hobby. Son sens change au fil du temps et sert aujourd'hui à définir une personne dont les loisirs sont plus terre-à-terre (trains, voitures), par opposition à l'Otaku qui s'intéresse à des créations purement imaginaires.
Dans certains cas, "Otaku" perd même sa connotation péjorative quand une personne connaît si bien son sujet qu'elle devient un expert incontesté de sa passion (on avance!
). C'est cette "soif constante de connaissance" qui décrit le mieux l'âme des vrais Otakus pour
Okada Toshio, spécialiste reconnu en Otaku-ologie (si, ça existe. Les gens ont du temps à perdre
), bien que cela soit contesté par pas mal de gens.
L'affaire Miyazaki
Il faudra attendre 1989 pour que le terme Otaku, qui était jusqu'alors utilisé dans des cercles bien définis, ait un retentissement national.
Tsutomu Miyazaki est un tueur en série ayant sévi dès l'été 1988, s'en prenant exclusivement aux fillettes de 4 à 7 ans. Il kidnappe ses victimes de manière aléatoire et harcèle les parents avec des restes de leurs filles accompagnés de lettres obscènes. Il commettra 4 meurtres avant d'être arrêté, tentant d'abuser d'une petite fille dans un parc public. Pourtant,
Miyazaki est un employé modèle, calme et obéissant, mais les enquêteurs vont découvrir à son domicile une collection impressionnante de près de 6000 cassettes vidéos pornographiques, principalement des animes, et tout autant de mangas du même genre.
Même si les détails concernant le contenu des cassettes et des mangas ont été inventés par la presse, tel qu'indiqué lors du procès, le mal est fait : "
Tsutomu Miyazaki est un Otaku, donc tous les Otakus sont des
Tsutomu Miyazaki en devenir." Le Japon découvre alors au travers des reportages biaisés, une communauté de déficients sociaux qui vénèrent la pédophilie et la violence (à peine exagéré). Durant la première moitié des annés 90, on entendra peu parler des Otakus, le mot entrant même dans la liste des termes prohibés à l'antenne sur la
NHK, la télévision publique nippone.(et on retombe au plus bas...
)
Un changement d'orientation
Mais, en 1995, deux évènements majeurs remettront en cause les fondements de la culture Otaku. En effet, les deux premières générations d'Otakus se sont passionnées pour la science-fiction et des œuvres d'anticipation mêlant fin du monde, évolution post-apocalyptique et technologie. Le 17 janvier 1995 à 5h46, la terre tremble à Kobe, détruisant une grande partie de la ville et faisant plus de 5000 victimes. Le second évènement qui finira d'ébranler les convictions des Otakus se déroule le 20 mars 1995 dans le métro de Tôkyô quand 5 bombes au gaz sarin
(Le sarin est une substance inodore, incolore et volatile, de la famille des organophosphorés, extrêmement toxique pour l'homme et l'animal, même à très faible dose (0,01 ppm peut être fatal). On estime qu'il est environ 500 fois plus toxique que le cyanure. Il passe facilement la barrière des poumons et est absorbé par la peau d'où il passe directement dans le sang. Quand il ne tue pas, il laisse de graves séquelles neurologiques) explosent simultanément en faisant 12 morts et plus de 1000 blessés. Cet acte terroriste est l'œuvre de la secte
Aum Shinrikyo dirigée par
Shoko Asahara. Le gourou est persuadé que l'avenir de l'humanité passera par une destruction totale, de laquelle émergera une nouvelle humanité dotée de pouvoirs psychiques développés par l'usage intensif de drogues, ce qui n'est pas sans rappeler des œuvres d'anticipations comme
Genma Wars ou
Akira.
En plus d'être montrés du doigt suite à la découverte de nombreux fans de mangas au sein d'
Aum Shinrikyo, une grande partie de la communauté Otaku va se détourner peu à peu de cette fascination pour l'apocalypse (sûrement pour se protéger d'une encore plus mauvaise réputation d'ailleurs). Toujours très discrets suite à leurs déboires avec les médias, il faudra attendre la fin des années 90 pour voir émerger de manière globale, un terme qui résume à lui seul le centre d'intérêt d'une grande partie de ces Otakus de troisième génération : "
Moe".
Un nouveau moteur économiqueLongtemps quasi-absent du paysage médiatique, le phénomène Otaku connaît un regain d'intérêt de la part des journalistes au milieu des années 2000 (et on renaît de nos cendres!
). Deux choses l'expliquent. D'une part, la fan-attitude grandissante pour
Densha Otoko (Densha otoko (電車男), littéralement "l'Homme du train") narre l'histoire d'un Otaku (Yamada) d'une vingtaine d'années qui sauve une belle jeune fille, qu'il surnommera Hermès (son prénom est en réalité Saori), lorsque celle-ci se fait agresser par un ivrogne, et détaille leurs rendez-vous successifs ainsi que ses appels à l'aide sur un forum de discussion (dans la série, ce forum semi-fictif est appelé "Aladdin Channel")) attire l'attention du public et d'autre part, le marché économique que représente la population Otaku atteint une taille assez impressionnante. Plusieurs études mettent en avant ce que l'on nomme alors le
Moe Sangyô, industrie ayant pour principaux clients des Otakus. Les analystes japonais du
Nomura Research Institute estiment que l'économie japonaise repose essentiellement sur ces consommateurs, toujours prêts à acheter des produits, dérivés ou pas (en gros, on est considérés comme des pigeons), entraînant un cercle économique dont l'ensemble de la population bénéficie. En incluant les principaux hobbies relatifs à la sous-culture, on estime que le marché Otaku représentait au Japon, en 2005, plus de 2000 milliards de yens (soit 11,9 milliards d'euros). Si le glissement d'intérêt des fans japonais de la S-F vers le
Moe s'est fait relativement rapidement, loin d'une mode passagère, le phénomène
Moe semble s'inscrire dans la durée. Ce développement est soutenu en parallèle par l'intérêt croissant des jeunes filles pour le pendant féminin du phénomène
Moe : le
Boy's love, ou
Yaoi (n'est-ce pas?
). Si les deux genres sont éloignés dans les principes, ils participent tous deux au marché et le font se développer.
Le
Moe est devenu le symbole des Otakus de troisième génération, nés dans les années 80, ayant grandi au cœur d'une sous-culture brimée puis oubliée, mais qui arrive enfin à maturité.
Aujourd'hui, les otakus sont toujours considérés par la plupart des gens avec un mépris plus ou moins dissimulé et beaucoup continuent de s'en moquer, mais le phénomène s'étendant, il acquiert une certaine "classe" auprès de certains, et tend même à se normaliser un peu (mais vraiment un peu) (donc essayer de draguer en disant que tu es un otaku risque de ne pas bien marcher Yuki
)
FIN Si vous avez réussi à tout lire, bravo et merci, sinon, bravo et merci quand même
C'est la première fois que j'écris un truc aussi long, ça m'a prit presque une heure et demie à taper, et je me sens fièèèère...
sources : wikipédia, genshiken, un ou deux sites historiques