Louis ouvrit lentement les yeux. Il se trouvait devant une grande bâtisse délabrée. Mais... Comment était-il arrivé là ? Où était-il ? Et depuis combien de temps était-il allongé là ? Il ne se rappelait de rien... Il décida d'explorer un peu les alentours, n'étant pas très rassuré.
Tout était gris. Les bâtiments s'enchaînaient, tous plus branlants et instables les uns que les autres. Pire encore, personne en vue... Mais comment était-ce possible ? Même l'horizon était flou... Il décida de prendre de la hauteur, et d'escalader les murs de la maison la plus proche, ou du moins ce qu'il en restait. Il pourrait peut-être voir quelque chose qu'il reconnaîtrait !
Le début de son ascension fut facile, les fondations étaient encore solides. Mais plus il montait, plus les murs s'effritaient entre ses doigts. Il manqua de tomber à deux reprises. Arrivé à ce qui semblait être le deuxième étage, il reprit son souffle.
- Plus que le toit, se dit-il, et je pourrai sûrement me sortir de là... Ou au moins voir quelqu'un, et lui demander de l'aide.
Il regarda au dessus de lui, et observa la gouttière.
- Je devrais pouvoir m'en servir pour monter, pensa-t-il.
Il tendit le bras pour l'attraper, mais celle-ci restait hors d'atteinte. Il prit donc son élan, s'aidant de ses pieds, et sauta. Sa main agrippa son bord, et un sourire illumina le visage de Louis. Malheureusement, la gouttière entière céda sous son poids, faisant tomber son corps d'enfant de plus de 6 mètres de haut.


Louis se réveilla dans une pièce sombre. Il cligna des yeux, s'habituant peu à peu à l'obscurité. Il était sur un lit.
- Mais alors... Tout cela n'était qu'un rêve ? murmura-t-il.
Soudain, comme un gros coup derrière la nuque, tout lui revint en mémoire.
Il était parti avec toute sa bande de copains devant la maison abandonnée de Hoymille ! On raconte qu'une jeune fille hante ce lieu... Mais Louis n'y croyait pas, et avait parié avec ses amis qu'il arriverait à y entrer. Il en avait assez qu'on le prenne pour un moins que rien sous prétexte qu'il était bien plus petit que les autres. Son copain Sam l'avait chambré toute la semaine à cause de cela, et Louis lui rétorquait qu'il n'était qu'un peureux ! Ils étaient arrivés à la nuit tombée devant la grille de la maison...
- Allez Louis, tu as parié ! charia Alain.
- Oui c'est bon, je vais y aller... Il faut juste trouver comment entrer...
- Louis est une mauviette ! Regarde, il n'y a qu'à pousser la barrière ! s'esclaffa Lil.
- Oh regardez ! Il y a un bol avec des bonbons juste derrière ! leur montra Sam. Bon, on en prend tous un pour nous donner du courage.
Sam en avait donc distribué un à chacun. Maintenant qu'il y pensait, Louis s'était senti vraiment bizarre après l'avoir mangé... Ca ne devait pas être un bonbon comme un autre...


Louis essaya de se lever. C'est seulement à ce moment-là qu'il se rendit compte qu'il était attaché ! Que se passait-il ? Il cria pour appeler à l'aide. Et c'est seulement là qu'il la vit... La fille. De longs cheveux noirs. Des yeux tout aussi noirs, perçants. Une robe blanche, descendant jusqu'à ses pieds. Et un sourire... Qui défigurait tout son visage... Un sourire ignoble, tordu, à peine humain. Et dans sa main... Une machette ?! Louis ne pouvait plus respirer, ne pouvait plus réfléchir, ne pouvait plus rien. La fille, son sourire toujours collé sur son visage, approchait de plus en plus...
- Bonjouuuuur Louis. Je suuuuuuuis ravie de te rencontrer. Je vois que tu as goûtéééééé mes bonbons du paradis. Je les laisse pouuuuur des visiteuuuuurs comme toi...
Sa voix était ignoble. Entre suintement et couinement. Et elle accentuait certaines syllabes de façon étrange... Louis n'en pouvait plus : il hurla.
- Ooooh finalement tu es cooooomme touuuuuus les autres... Donc tu vas finiiiiiiir comme touuuuus les autres, rugit-elle.
Et elle leva la main qui tenait son arme...
La dernière pensée de Louis alla à sa bande de copains : "Pourvu qu'ils soient allés chercher du secours, ne me voyant pas revenir ! Pourvu que quelqu'un vienne me sauver !".


Malheureusement pour Louis, les corps de ses 3 amis avaient déjà disparu.

La fête battait son plein. La jeune fille s'accrochait avec force aux manches de son petit-ami.
-On pourrait pas s'arrêter un moment ? J'en peux plus, s'exclame-t-elle au bout de quelques minutes de marche.
L'homme aux cheveux noir de jais se retourna et afficha une mine interrogative. Il était vêtu d'un long manteau, d'un jean gris et de grosses bottes. Elle répéta sa plainte en hurlant.
-T'es vraiment une plaie, fit-il en soupirant. Pour toute réponse, elle lui assena un coup dans les côtes. Il feignit d'avoir mal et cela lui déplu. Ils se dirigèrent un peu plus en retrait du bâtiment et aperçurent une maisonnette délabrée.
-T'es sûr que c'est une bonne idée Jess ?, demande-t-elle, incertaine. Il resserra sa prise sur sa main pour la rassurer.
-Ne t'en fais pas, je suis avec toi.
Ils s'avancèrent et poussèrent la porte. Derrière elle se trouvaient de nombreuses personnes qui dansaient mais, en voyant leurs visages, on devinait très vite qu'ils n'étaient pas très nets. L'homme au comptoir les appela et Jessy posa une liasse de billets devant lui. Aucune parole ne fut échangée : on savait ce qu'il désirait. L'homme, une cigarette à la bouche, sortit une boîte bleue qu'il lui tendit :
-Voilà pour vous.
Jessy la prit sans un remerciement et s'éloigna dans un coin, sa petite-amie sur ses pas. Il ouvrit la boîte et vérifia son contenu. Ensuite il prit un morceau de champignons hallucinogènes et l'avala. Il donna le reste à Emmy, qui hésitait. Jessy avait bien compris qu'elle ne s'y risquerait pas. Il se mit alors à rouler une cigarette et la lui proposa. Elle accepta timidement. Au fil de leur discussion, elle remarqua que Jessy était d'une humeur toujours plus agréable. Elle constata aussi que ce qu'il disait n'avait absolument pas de sens et elle pouffa à plusieurs reprises, sans se soucier réellement de ce que pouvait produire sur lui l'effet de la substance illicite. Emmy s'inquiéta pour de bon lorsqu'un colosse le bouscula sans excuses et que Jessy continuait de sourire avec son air béat. Elle le secoua vivement sans qu'il ait une quelconque réaction. Son Jess ne se comportait jamais ainsi, il était plutôt borné et coléreux par-dessus tout. Elle poussa un petit cri d'épouvante, ce qui attira l'attention de quelques curieux. Emmy se fit toute petite et entraîna Jessy au loin. Elle regarda autour d'elle et reporta son attention sur son copain.
-Eh oh ! Tu me fais peur là, c'est plus marrant, lui reprocha-t-elle avec des yeux larmoyants. Elle patienta un instant et comme il restait silencieux :
-Bon d'accord t'es pas en état actuellement mais tu pourrais essayer de me répondre quoi !
-Mmmh.. 'yy...

Quant à Jessy, une étrange sensation de plénitude s'était emparée de lui. Il voulait sincèrement parler à Emmy mais il n'avait plus l'impression d'être à sa portée. Désormais il voyait tout le monde sur un piédestal et cela le faisait délirer. Il baissa doucement la tête et découvrit que lui-même reposait sur une sorte de socle. Les expressions faciales des autres étaient si comiques qu'il manqua de s'étouffer à force de rire. Il observa une fois de plus son piédestal sans le quitter des yeux, fit un pas puis s'avança encore. Le socle le suivait ! Il courait maintenant et Emmy le rattrapa. Il regarda ses pieds avant de relever la tête et de la pointer du doigt. Il affichait un large sourire. Evidemment elle ne comprenait pas ce qui l'amusait autant et elle se sentit très embarrassée. Toutefois, cela avait piqué sa curiosité. Elle fixa longuement les bouts de champignons. Pourquoi voulait-elle essayer déjà ? Ah oui parce qu'elle se sentait exclue de toute cette foule euphorique... Bizarrement elle se vit vaciller un moment. Ou peut-être était-ce le fruit de son imagination ? Elle ne distinguait déjà plus la réalité des hallucinations... L'image de Jessy se détacha difficilement du reste et elle leva le bras pour tenter de se retenir à lui.. Le sol lui parut soudain plus proche... Sa dernière pensée s'acheva sur une question qui demeurera sans réponses. Elle sombra définitivement dans l'inconscience.

Quelques jours plus tard, Jessy et Emmy, main dans la main, évoquèrent cette fameuse soirée passée chez leurs amis :
-C'était totalement insensé ! Je me répète mais je te promets que c'était juste superbe, je me sentais  tellement bien.
-Ouais bah pas moi. Même quand j'avais cuvé certains soirs c'était moins pire. Là je me sentais presque partir, t'imagines un peu ?
-Ouais ouais ça va, j'ai compris, fit-il lassé, tu me l'as assez dit.
-En tout cas je ne ressaierai plus : c'est trop fort pour moi.
-Tu te rattrapes sur l'alcool alors ?, suggéra-t-il en pouffant.
-Exactement monsieur ! répondit-elle fièrement.
Il leva les yeux au ciel tandis qu'elle lui souriait et le regardait amoureusement. Il la prit dans ses bras puis l'embrassa tendrement.

Red, 70 ans, de son vrai nom Thérèse Isabelle Chamoi de la Morai se réveilla à 8h du matin comme à son habitude. Mais au fait pourquoi Red ? A cause de ses cheveux colorés en rouge par accident mais qu’elle décida de garder car selon ses amis : ça lui allait.
Elle se leva et se dirigea vers la cuisine pour brancher la cafetière. Elle revint après s’être changée, se servit le café accompagné d’une tartine. La journée commençait toujours bien avec une tasse de café. 


Elle sortit de son appartement. L’ascenseur toujours en panne elle devait encore descendre les escaliers, franchement quelle idée d’habiter au 4ème étage à son âge. Comme quoi on n’est pas si prévoyant dans la vie. Au 2ème elle croisa le chemin de de sa voisine. Oh non pas Catherine  Béraud. Cette femme l’insupportait, avec son yoga, son : "bien manger et faire du sport", et sa philosophie de vie mais qui n’a rien d’une vie.
-Oh madame Thérèse ! Bonjour, belle journée non ? Ça vous dit de prendre un café ?
Red avait envie de refuser, mais il faut toujours entretenir de bonnes relations avec les voisins, ça s’avère bien utile quand on a 70 ans.
-Bien volontiers ma chère. Répondit-elle avec sympathie.


Une heure après Red traversa la rue et se dirigea vers son bistrot  préféré. Elle fit un petit signe à Robert, le propriétaire et alla à sa rencontre au comptoir.
-Bonjour, Tiens voilà le journal. Il tendit à Red le journal du jour, comme il le faisait depuis maintenant des années.
Elle s’assit à une table, lisant le journal de la région en se faisant toujours la même réflexion. Les politiciens sont cons.
Robert vint s’assoir à sa table, un vers de café dans chaque main. C’est un nouvel Arabica bien corsé, goute pour voir, Dit-il.
Elle pensa à refuser, mais ça ne faisait pas de mal une tasse de plus ou de moins.
-Si tu me proposes un morceau de gâteau avec, je prends.
Elle eut son gâteau et son café, Robert repartit servir des clients et elle resta à feuilleter le journal jusqu’à ce que la personne qu’elle attendait arrive. Simonne se dirigea vers sa table, son caddie de courses traînant derrière elle.
-Ah lala quel monde au supermarché. Robert, deux cafés bien corsés s’il te plaît. Tu en boiras bien un avec moi Red ?
Dans la tête de Red un léger signal lui disait non, mais il fut si faible qu’il disparut aussi vite.
-Bien sûr !


Le café avalé, Red et Simonne se dirigèrent vers un de leurs lieux de rendez-vous préférés. C’était l’heure du Bingo !
-He les vieilles, c’est pas là la maison de retraite, c’est de l’autre côté !
Les revoilà, les morveux qui n’avaient rien de mieux que de les ennuyer quotidiennement étaient de retour. Mais cette fois-ci Red n’avait pas envie de les ignorer, c’était étrange mais elle voulait... elle voulait…
-Red qu’est-ce que tu fais ?! Cria Simonne
Red avait détalé vers les 3 gamins et balança son sac à main dans la figure du premier. Les deux autres partirent en courant et elle décida de leur courir après. Ca faisait si longtemps qu’elle n’avait pas ressenti tellement d’adrénaline, elle se sentait revenir à la cinquantaine, courant à perdre haleine les cheveux dans le vent.
Elle fit à peine 4 mètres qu’un 'craque' se fit entendre. Oh non, pensa-t-elle. Je me suis bloquée le dos !
-Red, ça va ? Demanda Simonne
-Simonne…dos...je me suis bloquée le dos !
Simonne se rapprocha et l’aida doucement à  remettre ses vertèbres en place. Quelle idée de faire ça quand même Red. Dit Simonne. En général ce genre de choses ne t’atteint pas.
Oui sauf qu’elle ne se sentait pas comme tous les jours, non elle se sentait en forme !
Une fois dans la salle de Bingo elles rejoignirent leurs amies assises autour… d’un café.
-Bonjour vous deux ! Ça vous dit un café ?
-Non merci, dit Simonne, je viens d’en prendre un.
-Oui  Bien sûr ! Répondit Red.
Le Bingo commença.  A peine le 5ème chiffre sortit qu’Henri cria Bingo ! Sauf que tout le monde savait que Henri n’avait pas gagné, il criait bingo comme il respirait, et on avait beau lui expliquer les règles il faisait toujours pareil. Au bout du 7ème Bingo! Red sentit l’adrénaline la saisir à nouveau.
-Henri ! Cria-t-elle. Tu n’as pas fait de Bingo et t’en feras jamais alors la ferme !
Toute la salle se tut. Après une minute de silence l’orateur reprit le tirage. Red n’y croyait pas, elle venait de finir une grille ! Elle se leva et cria Bingo à la stupéfaction de tous. Par contre elle n’avait pas vraiment besoin de monter sur sa table et d'ajouter : Je vous ai tous eus, bande de cons ! Bon je n’ai plus rien à faire ici. Sur ce, elle tourna les talons et sortit de la salle qui était à nouveau silencieuse. Red se disait que quelque chose n’allait pas. Pourquoi elle n’avait pas agi comme cela plus tôt !

Toutes ses questions s’envolèrent quand elle le croisa lui. Charles. 75 ans. Champion de scrabble 3 années de suite et deuxième au tournoi de pétanque. Et pas trop de calvitie. En bref l’homme parfait.
Son peu de résistance lâcha, elle alla vers lui le comportement légèrement hystérique.
-Charles ! Je ne pensais pas te voir ici, ça te dit d’aller boire un café ?!
-Désolé Red mais Catherine Béraud, la professeure de Yoga donne un cours dans ma maison de retraite, je ne veux pas manquer ça. Une autre fois peut-être. Dit-il en partant.

Catherine ? Non ! Elle n’aura pas SON Charles. En deux secondes elle prit sa décision et prit le chemin du Old House, la maison de retraite. Elle va lui faire sa peau à la Catherine. Mais avant il lui faut un café.
Red arriva à se fonder dans la masse à la maison de retraite. Elle la vit…Catherine était au milieu de la grande salle en train d’expliquer le déroulement de la séance. Charles était juste en face d'elle ! Ça ne se passera pas comme ça.
-Catherine ! Cria-t-elle en déboulant dans la salle. Tu n’auras pas mon Charles espèce de hippie du dimanche ! Et le tout dégénéra. Red balança son poing dans le visage de la prof qui répliqua aussi par un autre coup de poing, faisant voler une dent à Red. La sécurité rappliqua et elle eut à peine le temps de sortir, s’engageant dans une course poursuite avec les agents de sécurité. Elle traversa la rue en courant, jeta à terre un gamin qui se trouvait sur son chemin tout en jurant et coupa par le parc. Oui ! Un buisson. Elle se jeta derrière à plat ventre et attendit que les agents passent. Elle ressortit et passa près des tables posées dans le parc quand son regard accrocha quelque chose que tenait une jeune femme. C’était noir, brillant, liquide. Son regard redevint fou alors qu’elle s’approchait avec un sourire édenté.

-Café…